Domaine Gautheron: itinéraire de vignerons indépendants


De gauche à droite: Alain, Colette, Cyril et Agnès.
Ils ont chargé le camion, calé le frigo et posé les chaises de bar sur les cartons de Chablis. Alain et Colette Gautheron ont pris l’autoroute A6 de bon matin en direction de Paris pour pour un marathon pas comme les autres : le 40e salon des vignerons indépendants. Du jeudi au vendredi, quatre journées intenses à partager leur passion avec les particuliers. Aux côtés d'un couple labellisé "vigneron indépendant": celui que forment leur fils Cyril et leur belle-fille Agnès Gleizes.   

De leur village de Fleys à la Porte de Versailles, les Gautheron ont peut-être chantonné "Sur la route" avec Gérald De Parmas. Depuis 35 ans, Colette n’a pas raté un seul salon. Alain n’a déclaré forfait qu’une seule fois, l’an dernier, lorsque son dos l’en a empêché. Que de kilomètres au compteur depuis ces années héroïques où le couple montait à Paris au volant du véhicule qu’il utilisait dans les vignes. Celui dont les pneus ont éclaté à deux reprises sur l’autoroute. "On avait mis les cartons du même côté parce que le cric n'arrivait pas à lever le camion," en rigole encore Alain.

Les motards sur les Champs

Sur le salon, ils se faisaient des amis parmi les autres vitis. Beaucoup d'entre eux découvraient Paris. Alain Gautheron se souvient d'une virée sur les Champs-Elysées dans une une sorte de Kangoo de l’époque. « Nous étions quatre à l’arrière ». Soudain, au feu, deux motards de la police sont arrivés des deux côtés du véhicule. Les quatre à l’arrière se sont couchés comme dans une scène de La grande vadrouille. Les policiers n’y ont vu que du feu.  
A l’époque, les vignerons livraient les commandes du salon à domicile. Ils se perdaient dans le labyrinthe de la capitale à la recherche d’une adresse. "Et comme j'ai un mari qui n'était pas patient…", commente Colette, qui n'en dira pas plus sur les échanges avec son mari sur la direction à prendre à tel ou tel feu. "C'est vrai qu'il y a beaucoup moins d'engueulades depuis que nous avons un GPS", reconnaît Alain.

Vignerons itinérants

Et puis, les salons se sont multipliés. Les Gautheron se sont rendus aux quatre coins de la France. De Lille à Toulouse, de Strasbourg à Rennes. « C’est simple, de la mi-octobre à la mi-décembre, je ne voyais plus mes parents », admet leur fils Cyril. Au village, on les surnommait ironiquement "les gens du voyage". Des vignerons qui prenaient la route un mois après les vendanges.  

Cyril avait 13 ans lorsqu'il s'est rendu pour la première fois sur un salon. C'était un dimanche avec son oncle et sa tante. Il était monté avec eux ravitailler les parents en région parisienne. Mais son premier vrai salon, à lui tout seul comme vigneron, c’était en 1998 à Reims. Un marché à l’époque inexploité par le domaine.

Des lieux de rencontre

Les salons des vignerons indépendants, ce sont aussi des lieux de rencontre. Cyril et Agnès se sont connus sur l'un d'entre eux, à Nice pour être précis. A eux deux, ils forment une alliance entre le Chablis et le Saint-Chinian. Comme Cyril, Agnès avait fait son premier salon pendant l’hiver 1998/1999 en Alsace. Elle a débarqué avec pratiquement que du rouge, en pensant que le Riesling et le Gewürz étaient rois en Alsace. Surprise, c’est son blanc qui est parti en premier. 

Pendant toutes ces années, le domaine Gautheron a surtout grandi. « A l'époque  nous ne faisions que 5.000 bouteilles ». Lors de sa première participation en 1983, le domaine était encore auréolé de sa médaille d’argent au Salon de l'agriculture pour son millésimé 1978. « La première année, on a bien tourné. Nous avons touché beaucoup de particuliers, rencontré beaucoup d'importateurs.", explique Colette Gautheron. Une clientèle fidèle, qui revient chaque année sur les salons. 

L'ADN du domaine

Trente-cinq ans plus tard, le domaine tourne à 270.000 bouteilles, don une quantité non négligeable vendue aux particuliers. Les Gautheron sont d'ailleurs accros aux salons. C'est dans l'ADN du domaine.  « Construire une clientèle particulière comme la nôtre, cela ne se fait pas du jour au lendemain », assure Cyril. "On ne peut pas la laisser tomber".  

Et pourtant, un salon c’est « un gros investissement humain. Beaucoup de temps, beaucoup d'éloignement », admet Cyril. Sur un salon comme celui de Paris, Colette et Alain sont sur le pont de 10h à 20h. C'est éprouvant. Et c'est surtout un autre métier. Il y a le viticulteur qui travaille les vignes, le vigneron qui le vinifie et le commerçant qui monte à Paris. "Il y a un côté humain", explique Cyril. « Si tu n'aimes pas le contact et parler de ton métier de vigneron, il faut vraiment te demander ce que tu fais sur un salon ». 

Sans oublier les clients farfelus qui exposent leur science en plongeant leur nez dans le verre de dégustation. Ces amateurs capables de te dire qu'ils préfèrent un chardonnay américain vanillé comme un café chez Starbucks. Et ceux qui assurent avoir goûté un jour du Chablis rouge, juré craché. Mais il y a aussi les clients qui "te marquent", des rencontres formidables, des passionnées qui reviennent année après année. A Metz, par exemple, une cliente avait donné le nom de Chablis à son animal de compagnie. A moins qu'elle ne l'ait appelé Chat Blis, allez chavoir.  

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